Liberté d’expression en RDC : la Radio Paon de Manguredjipa à nouveau audible après avoir été réduite au silence par le Chef de Secteur des Bapere

Vue du Centre du Village de Manguredjipa en Territoire de Lubero
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C’est depuis samedi 11 juin 2016 que la radio communautaire à philosophie environnementale est à nouveau audible sur sa fréquence habituelle, la 88,5MHZ. Aimée KAVIRA, une des militantes pour la cause de la femme, active dans la zone se dit fière que la seule radio du village émette à nouveau grâce à la mobilisation de tous les défenseurs des droits humains de la région.

« J’ai compris que pour un petit village comme Manguredjipa, des appels de mobilisation peuvent venir même de Kinshasa et des blancs », s’est-elle réjouit au cours d’un entretien au téléphone avec le département de communication de GADHOP. Réduite en silence samedi 04 juin 2016 à la suite de l’arrestation de son directeur, la Radio Paon a été finalement installée à son nouveau site d’émission situé à la colline Kimbanguiste du Quartier Mangobo, un coin surélevé du village et qui permettra à la radio de couvrir 80% du Secteur des Bapere, une vaste zone minière qui grouille des groupes armés et dont la Radio Paon était l’unique moyen par le quel les habitants de la zone avaient un autre son de cloche et s’informaient de la marche du pays, à part la pensée unique imposé par la présence des groupes armés. La Radio Paon représente en outre l’unique voie par la quelle les humanitaires sensibilisent les communautés locales sur les droits humains ainsi que l’accès aux services sociaux de base. Taire la Radio Paon était devenu comme un crime pour toute la communauté. C’est ainsi que samedi 11 juin 2016 en entrant dans le village, Monsieur Aimé Kibendelwa, qui venait d’être libéré du cachot de l’ANR Butembo 3 jours avant, a été accueilli comme un « Jésus » entrant à Jérusalem. La modeste caravane motorisée se frayait difficilement le passage entre des centaines d’habitants du village qui venaient accueillir leur « droit à la liberté d’expression ». De là, une quête a été faite pour payer les frais de transport du matériel et de son convoyeur, Monsieur Aimé. La même soirée du samedi 11 juin 2016, les villageois ont escorté la modeste équipe des animateurs de la radio Paon pour lui permettre de remettre le signal en toute sécurité le même soir. Entre temps, dans le village ainsi que ses environs, toutes les aiguilles de fréquence étaient stationnées à la 88,5, attendant impatiemment les premiers mots de la radio. Augustin KASIYA, présentateur des informations en français dans cette station de radio, témoigne que nombreux pensaient que la radio allait faire des représailles en revenant sur l’événement qui a conduit à la coupure du signal et la saisie du matériel. « Il n’en a pas été question. La vengeance est à Dieu » s’est-il résumé.

La radio Paon de Manguredjipa, une voix au centre d’une jungle des violations des droits humains

Le village de Manguredjipa est le chef lieu du Secteur des Bapere à l’ouest du Territoire de Lubero au Nord Kivu. C’est une zone occupée à plus de 50% par les groupes armés. Les Mai Mai Simba au Nord, les FDLR vers le Sud et les Mai Mai Tcheka vers le Sud Ouest, mais dans tous les cas, ces groupes armés se disputent plusieurs carrés miniers dont regorge follement ce secteur qui était exploité à l’époque de la colonisation belge et quelques années après l’indépendance de la RDC par la Société Minière des Grands Lacs, MGL tombée en faillite. Riche en or, en 3T et en minerais stannifères, le Secteur des Bapere hébergeant la fameuse zone minière d’Etaeto ne compte portant qu’une vingtaine de kilomètres de route carrossable, le reste étant resté depuis 1980, des sentiers difficilement passable à moto. Depuis, la population du Secteur des Bapere se compte parmi les populations les plus pauvres de la RDC et les moins servis en services sociaux de base. Une seule zone de santé, la zone de Santé de Manguredjipa, pour environs 1 millions d’âmes. Sur le plan de l’éducation, le Secteur des Bapere ne compte 11 écoles secondaires, selon les statistiques mises à jour en 2014. Ces écoles se trouvent en groupements Bapakombe (7), Baredje (3), Batike (1), Babika, Bapaitumba et Bapukara, zéro école secondaire contrairement à d’autres secteurs voisins qui en comptent un peu mieux. L’accès à l’éducation est encore un calvaire dans cette zone qui ne compte aucune école supérieure ou universitaire, sauf des succursales de fortunes mal entretenues appartenant à l’ISDR(Institut Supérieur de Développement Rural) et l’ISTM (Institut Supérieur des Techniques Médicales) qui ne comptent que quelques dizaines d’étudiants depuis 2 ans (à dater de fin  2014). Selon des rapports sur les violations des droits humains publiés par le GADHOP entre 2014 et 2015, la zone continue à connaitre le plus des violations des droits humains,  directement favorisées par les autorités locales (lires nos rapports sur http://www.gadhop.org/rdc-la-jungle-154-cas-de-violations-des-droits-humains-en-3-mois-a-beni-lubero/, http://www.gadhop.org/nouveau-rapport-sur-les-violations-des-droits-humains-dans-le-nord-kivu/, http://www.gadhop.org/wp-content/uploads/2016/03/RAPPORT-MONITORING-GADHOP-SUR-LES-VIOLATIONS-DES-DROITS-HUMAINS-DANS-LE-GRAND-NORD-KIVU-ET-ENVIRONS-2015.pdf. Ainsi, malgré les potentialités dont regorge la région en termes de ressources minières et en bois, les populations locales sont loin de tirer profit de leurs ressources. Depuis 2013 le GADHOP a lancé un vaste plaidoyer de validation des sites miniers du secteur de Bapere(lire http://www.gadhop.org/memo-des-parties-prenantes-dans-la-consolidation-de-la-cohabitation-pacifique-des-acteurs-miniers-du-site-detaeto-et-ses-environs-en-secteur-des-bapere-au-nord-kivu/. Le processus a abouti quelques mois après, grâce à l’implication  de plusieurs acteurs. Mais la population locale est loin de bénéficier de tous ces atouts à la suite d’une administration locale peu visionnaire et bornée à tordre les droits de ses administrés.

 

Des violations des droits humains sur fond de l’ignorance de la population

Profitant de l’ignorance de la population, le chef de Secteur des Bapere règne en maitre en continuant des violations qui, sous d’autres cieux ne relèvent plus que de l’histoire. En Secteur des Bapere, la population continue d’être soumise aux travaux forcés chaque jeudi de la semaine. Les services répondant aux ordres du chef de Secteur Maneno KAMBA KAMBA, remettent des jetons de présence à tous les hommes du village. Ensuite chaque soir, après les travaux, ceux qui ont été absents sont soumis à des amendes exorbitantes variant entre 50 mille et 100 mille francs congolais, l’équivalent d’un mois de salaire mensuel d’un enseignant inscrit au registre de la fonction publique (Parmi les mieux payés). Selon des notables locaux, jamais le Secteur des Bapere n’a connu une telle répression des droits humains. Les arrestations arbitraires, les amendes illégales, les taxes illicites, les détournements sont autant des sévices soumis à la population par d’une part les groupes armés et de l’autres certaines autorités locales (Lire les rapports de GADHOP et différents articles sur le Secteur des Bapere et Manguredjipa : http://www.gadhop.org/territoire-de-lubero-le-chef-de-secteur-des-bapere-accuse-de-detourner-largent-de-construction-de-la-centrale-de-manguredjipa ). Dans ce contexte, la Radio Paon, figurait parmi les rares voies par les quelles, certaines voix discordantes pouvaient proposer à la population une vision positive des choses et les développements positifs en matières de droits humains engrangés par la RDC à travers différentes dispositions légales. Ainsi des émissions de sensibilisation sur la Constitution, la loi sur les violences sexuelles, la torture étaient animée sur les ondes de la Radio Paon, un bonheur au quel s’attendent les habitants de cette partie du Nord Kivu grâce aux efforts des uns et des autres.

GADHOP

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